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La Calicivirose féline

Malgré l’essor de la vaccination féline, les maladies infectieuses de l’appareil respiratoire supérieur (cavités nasales, larynx et trachée), communément appelées « coryza » restent des motifs de consultation fréquents en médecine féline. Elles sont encore plus importantes en élevage où la surpopulation et les contacts étroits favorisent la transmission des germes.
Chez le chat, les germes en cause sont essentiellement l’herpèsvirus et le calicivirus félins, qui sont d’ailleurs fréquemment associés chez un chat atteint
de coryza clinique. On peut y rajouter les bactéries Chlamydophila felis (chlamydiose, parfois responsable de coryza, mais surtout d’une conjonctivite) et Bordetella bronchiseptica (bordetellose, agent de la toux de chenil chez le chien et possiblement responsable d’un coryza banal chez l’adulte ou d’une mortalité
par pneumonie chez le chaton). Considérant le nombre de questions croissant
auprès de l’association, nous éclaircirons le sujet épineux de la calicivirose féline.

Son importance
En 2005, une étude menée sur plus de 200 colonies félines (d’au moins 10 chats) en France et pays limitrophes a montré la présence du calicivirus sur 47% des chats provenant de chatteries à problèmes respiratoires, contre 29% de chats infectés issus de chatteries n’ayant eu aucun cas de coryza clinique dans les 6 mois précédant l’étude. De plus, les anticorps dus à une infection naturelle par le calicivirus se retrouvent chez 80% des chats adultes et 50% des jeunes chats (tous non vaccinés) : le calicivirus félin est donc un virus fréquent dans les colonies félines, même en l’absence de signe clinique. Bien sûr des variations majeures existent selon les chatteries et leur gestion sanitaire.
1 L’isolement du virus dans les secrétions montre que le chat est infecté au moment où le prélèvement est réalisé contrairement à la recherche d’anticorps dans le sang qui est un témoin indirect d’une rencontre du chat avec le virus (le virus n’est plus forcément présent dans l’organisme, même si des anticorps sont présents) : la présence d’anticorps peut signer soit une contamination naturelle du chat (infection), soit une vaccination, soit chez un chaton l’absorption du
colostrum d’une mère vaccinée et/ou infectée.

Le virus
Sa structure lui assure des capacités de résistance dans le milieu extérieur largement supérieures à celles de l’herpèsvirus. Même si la contamination se fait essentiellement par contact direct avec les secrétions d’un animal malade (buccales, nasales et/ou conjonctivales), ses capacités de résistance lui permettent de contaminer un nouvel individu sans contact avec
l’animal malade, uniquement par le biais d’un environnement contaminé, surtout dans des lieux confinés comme les élevages ou les refuges.
A température ambiante, le calicivirus résiste plus de 7 jours, et encore plus si l’environnement est humide ; il peut également survivre jusqu’à 7 jours dans les lotions de nettoyage oculaire, qui deviennent un bouillon de culture pour les utilisations suivantes. Par ailleurs, tout comme le virus de la grippe, le calicivirus peut faire preuve d’une grande variabilité génétique, son patrimoine génétique mute facilement et lui permet donc une grande adaptabilité. Cette propriété explique l’existence de multiples souches dont certaines ont dernièrement apparu et sont hypervirulentes (très agressives). Ces multiples souches expliquent également les échecs possibles de la vaccination car les vaccins disponibles ne protègent pas contre toutes les souches.

L’infection
Comme pour l’herpèsvirus, les portes d’entrée du calicivirus dans l’organisme sont les voies nasales, buccales et conjonctivales (yeux). La plupart des souches garde une action ciblée sur les muqueuses de la bouche et des voies respiratoires supérieures, le virus tue certaines cellules des muqueuses et donne une vésicule qui se percera et évoluera en ulcère. Ces lésions sont observées 4 à 14 jours après l’entrée du virus dans l’organisme, elles se cicatrisent en 15 jours environ.

L’excrétion asymptomatique
Les sources de virus sont essentiellement les individus atteints de calicivirose clinique (qui sont des « bombes » à virus à cause de leurs secrétions abondantes et riches en virus) mais aussi des porteurs/excréteurs chroniques qui ne présentent aucun signe clinique : en effet, la plupart des chats infectés excrètent toujours le virus en continu 30 jours après l’infection, 50% des chats l’excrètent encore 75 jours après. Ces chats sont les plus « dangereux » dans les élevages, car aucun signe ne laisse supposer leur statut.
Les animaux vaccinés sont également à surveiller : la vaccination permet de protéger le chat contre les signes cliniques, mais un animal vacciné peut toujours s’infecter et devenir un excréteur chronique de virus alors qu’aucun signe clinique ne le laisse paraître. De plus, la plupart des chats infectés sont capables d’éliminer le calicivirus et seront donc susceptibles de se réinfecter ultérieurement : dans ce cas, la première infection naturelle aura permis d’acquérir une immunité plus ou moins protectrice contre les infections ultérieures (avec peu ou sans symptôme), mais n’empêchera pas le cycle viral et l’animal pourra toujours excréter silencieusement le virus et être contaminant. Le cas des chatons allaités par une mère excrétrice asymptomatique est similaire : malgré la protection accordée par les anticorps du colostrum, les chatons s’infectent souvent entre 3 et 9 semaines après la naissance, sans signe clinique et deviennent à leur tour des porteurs asymptomatiques, pour une durée variable.

Les facteurs de risques
L’infection concomitante du calicivirus à des virus immunodépresseurs félins (FeLV et/ou FIV) est possiblement responsable d’une affection plus grave, ou d’une excrétion virale plus importante et plus longue. La proximité, la surpopulation et l’hygiène des locaux de vie (température, ventilation, humidité) nécessitent une attention et une gestion rigoureuse de la part du propriétaire. L’âge n’aurait quant à lui aucune incidence sur le risque de développer une calicivirose.

Les signes cliniques

Ils dépendent de la souche virale, de la pression d’infection, de l’état de santé, du système immunitaire et de l’âge du chat. La forme « coryza » Le chat infecté est d’abord abattu et fébrile, les éternuements, la conjonctivite et le jetage oculonasal (écoulements des yeux et des cavités nasales) ne viennent qu’après et sont moins abondants que dans le cas del’herpèsvirose. Des vésicules et des ulcères sont observables sur la langue, le palais, les lèvres et les narines. Ces lésions sont douloureuses c’est pourquoi le chat perd l’appétit voire est anorexique et salive plus, ce qui se traduit par une humidité du contour des lèvres. Suite à des surinfections bactériennes, cette infection des voies supérieures pourra s’aggraver par une atteinte pulmonaire avec un chat présentant une insuffisance respiratoire.
La forme « arthrite »
Certaines souches sont responsables d’arthrite (articulation chaude, douloureuse et enflée) responsable de boiteries : ces difficultés locomotrices sont parfois visibles dès le deuxième jour après la contamination, avec une fièvre transitoire puis des lésions ulcératives dans la bouche, généralement sans aucun symptôme d’atteinte respiratoire. Une amélioration clinique peut être observée dès le 4ème jour, avec parfois un nouvel épisode de boiterie concernant plusieurs articulations 2 à 3 semaines après l’infection. Ces arthrites seraient la conséquence d’un mauvais fonctionnement du système immunitaire.
La forme « gingivite »
Affection due à un mauvais fonctionnement de l’immunité, elle se caractérise cliniquement par une inflammation généralisée de toutes les muqueuses de la bouche, et qui peut se compliquer par des ulcérations sur la langue et le palais : 80% des chats présentant une gingivite chronique seraient infectés par le calicivirus (contre 20% des chats sans gingivite). Toutefois, le calicivirus n’est pas le seul facteur et ne suffit pas à lui-même à produire une gingivite chronique : elle requiert la présence d’autres agents pathogènes tels que le virus de l’immunodéficience féline (FIV) ou des sensibilités individuelles.
La forme « septicémie »
Le terme « septicémie » illustre bien le tableau clinique caractérisant cette forme, mais ce mot est mal approprié car dévolu aux bactéries, et non pas au virus. Des souches hypervirulentes sont récemment apparues et causent un tableau clinique très variable avec une forte mortalité, d’allure épidémique, affectant plus généralement les adultes : principalement décrite sur le continent américain, des foyers ont déjà été rapportés en Europe. En plus des signes de « coryza », les chats atteints peuvent présenter une fièvre, des oedèmes et des ulcères de la peau, des hémorragies, une anorexie, des lésions pancréatiques et hépatiques possiblement responsables de douleur abdominale aiguë. Plus de la moitié des chats atteints meurent, puis l’épidémie se résorbe assez rapidement.

Les souches virales sont génétiquement différentes d’un foyer épidémique à un autre : on suppose qu’une importante circulation de souches virales dans de grandes colonies de chats (refuges) puis l’introduction d’un tel chat excréteur dans une population de chats indemnes serait un élément déclencheur idéal à l’obtention d’une souche hypervirulente mortelle. Toutefois d’autres facteurs interviendraient car le virus ne suffit pas à lui seul pour donner cette maladie.

Le diagnostic
Les différents microbes donnent des signes cliniques comparables, mais l’importance de certains symptômes peut parfois orienter le diagnostic (pour la calicivirose, les ulcères dans la bouche sont assez caractéristiques), mais cette démarche est rarement suffisante car les différents germes infectieux sont souvent associés. Si un traitement basique à l’aveugle peut être suffisant pour soigner un cas isolé de coryza sur une communauté limité à 2 ou 3 chats, sans contact avec l’extérieur, ce n’est pas le cas pour une colonie regroupant plus d’individus. L’identification de l’agent infectieux est importante afin de mettre en place les mesures de contrôle ou d’élimination les plus adaptées dans la chatterie et nécessitent alors des examens complémentaires. Le choix judicieux et la réalisation des examens complémentaires ainsi que l’interprétation correcte des résultats sont du recours de votre vétérinaire
traitant, nous ne développerons donc pas cette partie.

Les mesures thérapeutiques
La forme « coryza »
De la même façon, le traitement est instauré par le vétérinaire traitant qui adaptera les mesures thérapeutiques à l’importance des signes cliniques. Nous n’aborderons donc que les grandes lignes du principe thérapeutique d’une calicivirose. Le nursing et le nettoyage régulier des yeux et des narines seront réalisés par le propriétaire aussi souvent que nécessaire. Tout comme pour un
rhume chez l’homme, il est parfois judicieux d’administrer des médicaments pour décongestionner les cavités nasales et faciliter l’élimination des glaires.
Attention également à encourager le malade à manger en lui apportant une alimentation humide, énergétique et appétante. Une couverture antibiotique est recommandée en prévention de possibles complications bactériennes, surtout quand les symptômes respiratoires sont sévères. Les interférons seraient efficaces lors d’administration précoce, mais on manque actuellement de recul sur leur efficacité réelle et leur coût n’est pas négligeable.
En plus du traitement de l’animal, isolez-le, ainsi que tous les objets avec lesquels il a pu être en contact. Appliquez également les mesures décrites ci-dessous sur le milieu de vie des chats. Sans ces mesures hygiéniques sur l’environnement, le traitement sera un échec.
La forme « gingivite »
Les gingivites chroniques sont très difficiles à traiter : les soins et l’hygiène bucco-dentaire, les traitements antibiotique et corticoïde ne sont parfois pas suffisant et nécessitent parallèlement de recourir à d’autres molécules plus agressives, voire d’extraire toutes les dents.

Les mesures préventives
La vaccination indispensable pour tous les chats en élevage ne suffit pas à contrôler le risque de « coryza » dans les grands effectifs, et des mesures sanitaires complémentaires sont indispensables. L’éleveur est le maître d’oeuvre, son vétérinaire ne sera qu’un conseiller.
Eviter l’introduction d’agents infectieux dans l’élevage. L’introduction de calicivirus passe par le déplacement des chats : introduction d’un nouveau reproducteur, saillie extérieure, exposition … L’éleveur doit rester conscient que l’excrétion persiste longtemps après la guérison clinique et que certains chats infectés ne présentent aucun signe clinique : chatons nés de mère infectée et protégés par les anticorps du colostrum, chats infectés et protégés par l’immunité naturelle (ancienne infection) ou par la vaccination.
Pour limiter ce risque, les chats introduits dans un élevage (même temporairement) devraient THEORIQUEMENT être issus d’une communauté indemne de problèmes respiratoires depuis au moins 6 mois (si cette mesure est suffisante pour la calicivirose, elle ne l’est pas pour l’herpèsvirose où de très nombreux chats infectés par l’herpèsvirus le sont à vie, l’excrètent en discontinu, surtout après un stress).

Lors d’introduction d’un chat, une quarantaine de 21 jours dans un local facile à désinfecter est fortement conseillée pour détecter les chats en incubation, avec possibilité de rechercher
le calicivirus par PCR pour détecter les chats excréteurs asymptomatiques (excrétion continue contrairement à l’herpèsvirus).
Limiter la concentration des agents infectieux dans l’élevage. Dans l’idéal, la chatterie se constitue d’au moins un local de quarantaine, et d’une maternité, avec si possible un boxe de saillie. L’hygiène doit être irréprochable et le matériel doit être propre à chaque pièce. La température ambiante doit être comprise entre 18 et 24°C avec un degré d’humidité qui devrait être maintenu entre 40 et 60%. Pensez également au renouvellement de l’air qui diminue la concentration des microbes et élimine les résidus ammoniaqués et les vapeurs de désinfectants irritantes pour les muqueuses respiratoires.
Le désinfectant habituellement conseillé contre le calicivirus est la javel diluée au 32ième (1/32) associée à un détergent : en cas de problèmes respiratoires, la solution diluée doit être préparée et utilisée quotidiennement (au moins sur les sols), elle doit rester au contact au moins 10 minutes sur la surface à désinfecter quand les animaux sont absents. Attention, la javel peut
induire des irritations de l’appareil respiratoire qui facilitera l’action des germes infectieux, il faut donc bien respecter la dilution !
Deux autres désinfectants sont utilisables : le dioxyde de chlore et le péroxymonosulfate de potassium, moins corrosifs et moins irritants. Des techniques complémentaires sont utilisables : eau chaude sous pression, solution à base d’aldéhyde par fumigation (pulvérisation ou brumisation). Bien sûr, la désinfection concerne également le matériel d’élevage, les mains et avant-bras
de toute personne au contact des chats. Attention à la surpopulation qui impose des contacts étroits et une contamination facilitée. Lors d’une calicivirose isolée chez une chatte en lactation (mais la coinfection avec l’herpèsvirus est fréquente, plus de la moitié des cas selon les études), attendez un temps suffisant avant une nouvelle saillie, ou faites vérifier avant la saillie par PCR qu’elle n’excrète plus le virus.
Pensez aussi à sevrer ses chatons précocement à 4-5 semaines si elle excrète au cours de la lactation.
Stimuler la résistance des chats. La vaccination réduit voire empêche les symptômes cliniques et peut réduire l’excrétion du virus d’un chat infecté, mais ne bloque pas le cycle viral lorsque le chat vacciné s’infecte par après, et celui-ci excrétera donc des calicivirus. De plus, la diversité génétique des calicivirus fait qu’une souche vaccinale ne permet pas une protection optimale contre toutes les souches et est une des explications possibles des échecs vaccinaux.
Il existe des vaccins inactivés (tués) ou atténués (vivants) : la capacité déconcertante des calicivirus à muter pose nombre d’interrogations sur l’utilisation de ces vaccins vivants en collectivité, car ces souches vaccinales atténuées peuvent occasionnellement redevenir virulentes : ils favoriseraient aussi l’obtention de nouvelles souches hypervirulente (à l’origine des formes « septicémiques ») par recombinaison génétique de la souche vaccinale avec la souche naturelle quand le chat vacciné est aussi infecté.
Les vaccins tués ne présentent pas ce risque et sont donc à privilégier pour la vaccination des chats vivant en collectivité indemne de calicivirus ou
pour celle des femelles gestantes.
Les chatons doivent être vaccinés dès que l’immunité maternelle apportée par le colostrum n’interfèrera plus avec le vaccin, soit à 9 puis 12 semaines. Un rappel est parfois réalisé 4 semaines plus tard quand les anticorps maternels du colostrum persistent trop longtemps. Quand de très jeunes chatons sont infectés, une vaccination précoce peut être réalisée à 6, puis 9 et 12 semaines.
Afin d’assurer un état général optimal, un régime alimentaire adapté aux conditions physiologiques est indispensable. De plus, le dépistage des reproducteurs pour le FeLV et la FIV est indispensable, car ces virus immunodépresseurs affaiblissent l’animal, constituent un terrain favorable pour les virus respiratoires et augmentent la durée et la quantité d’excrétion de ces
virus respiratoires.
Comme les autres composantes infectieuses du « coryza », la calicivirose est très contagieuse en élevage et son éradication est difficile.
La vaccination est indispensable mais se révèle souvent insuffisante et la mise en place de mesures préventives complémentaires doit être
systématique pour les communautés nombreuses.

Bulletin N°47 AIDSkogkatt, janvier 2009 : La calicivirose féline
(Copyright Dr. Marc PETERSCHMITT, décembre 2008)

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